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Pour la petite histoire

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On disait qu' c'était...
... deux océans

15 mai 2018

Deux océans

Hier soir, papa et maman m’ont permis de jouer après le repas jusque tard, parce que les journées sont longues et qu’on peut profiter du soleil. J’ai joué à la place de jeux avec ma voisine Coraline que j’aime beaucoup. On a fait une partie de cache-cache, et ensuite une marelle. Et j’ai perdu.

– A quoi on joue, maintenant ? Coraline a demandé.

Moi, je ne suis pas fort à la marelle, mais je suis fort à la balançoire. Alors on a joué à qui allait le plus haut avec la balançoire. Plus on allait haut, plus ça faisait rigoler Coraline. Et rien que pour ça, c’était moi le grand gagnant ! Quand on se croisait, je voyais ses deux yeux bleus qui riaient, qui brillaient. Ils étaient si profonds, si foncés… Moi, j’aurais pu nager dedans et m’y perdre au beau milieu, entre les reflets du soleil. Ses yeux continuaient de rire de plus en plus fort en se balançant, ça faisait comme des vagues qui allaient et venaient à l’infini. Ça faisait du bruit jusque dans mon cœur. J’avais envie de lui dire mon secret, mais je ne savais pas comment. J’avais peur qu’elle ne comprenne pas bien. Et en même temps, j’avais peur qu’elle comprenne très bien.

Coraline ne pouvait plus s’arrêter de rire. Elle a fait ralentir la balançoire.

– A quoi on joue, maintenant ? elle a demandé dans un hoquet.

Moi, je ne suis pas bon pour les déclarations, mais je suis bon pour l’imagination. Alors j’ai dit :

– Tu sais, Coraline, tes yeux, on disait qu’ c’était deux océans, grands et profonds. Et moi, j’étais un matelot qui voyageait sur leur surface toute paisible, ou sur leurs rouleaux qui étaient si hauts qu’ils pouvaient porter le ciel.

Coraline ne disait rien, elle écoutait. Moi, d’avoir commencé à parler, j’avais moins peur.

– Mais surtout, j’ai ajouté, j’aimerais bien savoir ce qui se trouvait caché dans les eaux de ces océans. Un trésor, j’en suis sûr ! On le voyait briller parfois, comme en secret. Moi, je rêvais de le gagner, ce trésor, et en même temps, de lui donner encore plus d’or… Tes yeux, on disait qu’ c’était deux océans, et que tous les bateaux voulaient y naviguer, tous les soleils s’y coucher.

Deux océans 2

A cet instant, justement, le soleil du soir a commencé à jouer à cache-cache. Il a encore mis ses rayons sur la place de jeux, puis sur la balançoire, puis sur le visage de Coraline. Elle ne riait plus, maintenant. Elle devait réussir à imaginer, elle aussi. On aurait dit que ça faisait du bruit tout au fond d’elle, parce qu’il y a eu tout à coup des larmes dans ses deux océans, à Coraline. Deux larmes salées, comme la mer.

Les yeux de Coraline, deux océans… Après tout, ça se pourrait.

 

Texte   Faustina Poletti
Illustrations   Alicia Durand
Lecture, bruitages, mélodies   Faustina Poletti
Musique du générique   Thierry Epiney
Prise de son et mixage   Alexandre Défayes