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Pour la petite histoire

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On disait qu' c'était...
... une épée magique

26 mars 2018

L’autre soir, papa nous a emmenés mon grand frère et moi à un concert de musique classique, parce que mon frère rêve de devenir musicien. Ce qu’il préfère, c’est la contrebasse, et il y avait justement une très jolie contrebassiste à ce concert. Elle était un peu perdue derrière les autres instruments, alors on se penchait d’un côté, de l’autre, pour l’observer. Elle se tenait droite, le visage concentré. Elle maniait son archet avec une facilité ! Quand elle le faisait filer le long de son instrument pour qu’il croise les cordes, il en sortait une musique extraordinaire. Seulement, on entendait difficilement le son de la contrebasse quand tout le monde jouait. Et puis, le concert était tellement long ! Je commençais à m’ennuyer au milieu de tout ce public qui ne bougeait pas un cil. Puis tout à coup, mes yeux ont été attirés par l’archet, long et pointu : il brillait. Selon sa position, il reflétait la lumière des projecteurs. Alors j’ai proposé à mon frère :

– Et si on disait qu’ c’était pas un archet, mais une épée ?

Mon frère s’est levé pour mieux voir. J’ai fait comme lui. Papa nous a fait signe de nous taire.

– D’accord, a chuchoté mon frère, mais au moins une épée magique, vu ce qu’elle arrive à faire.

Une épée magique

Alors, on s’est retrouvés sur un champ de bataille. La contrebassiste était un chevalier au geste dynamique, à la geste héroïque. Avec son air grave, elle déliait le poignet avec une efficacité redoutable. L’épée lui obéissait. Elle en jouait admirablement et repoussait tous les obstacles, tous les ennemis. Après un court répit, la voilà qui dégainait de nouveau pour se battre en solo, maintenant ! Quelle générosité ! Les autres chevaliers de l’orchestre l’attendaient, la soutenaient un peu, mais se cachaient derrière elle, lui faisant entièrement confiance. Elle prenait seule tous les risques. Mais pour qui se battait-elle ? Son bras allait de plus en plus vite, jusqu’à ce que le fil de son épée porte le coup final…

La salle de concert est devenue silencieuse. Puis il y a eu les applaudissements, et tout le public s’est levé. Ç’a été son moment de gloire. Nous, on a grimpé sur les chaises pour la féliciter, malgré le regard sévère de papa. Elle nous a fait un clin d’œil, comme si c’était pour nous qu’elle s’était battue. Elle nous souriait. Pourtant, a dit mon frère, elle avait quand même été blessée : il voyait une petite brûlure au fond de ses yeux. On ne sort pas indemne d’un pareil exploit.

A la fin, on a demandé si on pouvait essayer son épée, et elle nous a laissés faire. Mais avec nous, ça ne marchait pas, on ne faisait pas vraiment des prouesses. L’épée ne répond qu’à son maître.

L’archet, une épée magique… Après tout, ça se pourrait.

 

Texte   Faustina Poletti
Illustration   Annick Vermot 
(fond : tapisserie de Bayeux, frise 19)
Lecture, bruitages, mélodies   Faustina Poletti
Musique du générique   Thierry Epiney
Prise de son et mixage   Alexandre Défayes