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Pour la petite histoire

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On disait qu' c'était...
... un rideau de théâtre ♬ ♪ ♫

21 février 2018

Il pleut tout ce qu’il peut, ce matin. Avec ma copine Coraline, en allant à l’école, on râle parce qu’on aimerait mieux être en vacances. On en a marre, des devoirs, et de se lever tôt. On s’amuse à sauter dans toutes les flaques, et ça gicle deux adultes devant nous. On dit pardon, ils nous ignorent. Ils mettent leur monnaie dans l’automate de l’abribus et attendent en regardant la pluie. Nous, on s’en fiche, de se salir, on a exprès mis notre ciré et nos bottes. Sans ça, on aurait été détrempés : il pleut tellement qu’on ne distingue même plus les gouttes d’eau. Et la pluie tombe tellement vite qu’on ne dirait pas que ça bouge. Elle fait comme un rideau qui masque le paysage, les maisons, les voitures, même les gens. Quand je le dis à Coraline, elle me répond :

– Un rideau ? Oh, oui, super idée ! On disait qu’ c’était un vrai rideau. Un immense rideau rouge !

On plisse les yeux, et ça y est, on voit un grand rideau. Il était lourd et épais, et plissé, lui aussi.

Un rideau de théâtre

– Qu’est-ce qu’il y avait derrière le rideau ? je demande à Coraline.

Elle tend la main, tire le rideau et passe son visage entre les pans. Elle me fait signe de venir voir.

– On disait qu’on était dans un pays chaud, où c’étaient toujours les vacances ! elle dit.

– Et les gens prenaient du bon temps et pouvaient faire la grasse matinée tous les jours, j’ajoute.

– C’était un pays où il n’y avait jamais de guerre, où les grandes personnes écoutaient toujours les enfants, et où on pouvait jouer le soir jusqu’à l’heure qu’on voulait.

– Regarde, je dis, un danseur et une chanteuse sur la place ! Ils racontaient une histoire…

– C’étaient des acteurs ! Ils jouaient un monsieur et une dame qui étaient amoureux.

Puis Coraline se baisse et ramasse quelque chose.

– Tiens ! J’ai trouvé un gros sou, elle me dit, tenant une pièce de 1 franc entre deux doigts.

On ouvre grand les yeux. On se regarde, puis on se souvient qu’on doit aller à l’école, et qu’on est sacrément en retard. Coraline me tend la pièce et referme le rideau, fait en sorte qu’il tombe bien.

On se met à courir. On n’entend presque plus la pluie, juste la rumeur des vacances. Coraline saute encore dans les flaques, trois immenses sauts qui font chacun un gros splash éclaboussant nos visages de boue. Après le dernier splash, soudain le rideau de pluie s’ouvre tout seul… Et derrière, il y a un rayon de soleil. Un monsieur de bonne humeur danse et chante sur le trottoir de l’abribus, puis fait un bisou à sa femme. Nous, on sifflote, on sautille. On sera en retard à l’école.

– On n’aura qu’à dire qu’on s’est perdu à cause de la pluie, qu’on n’y voyait rien, je dis à Coraline.

– Ou bien on dira qu’on est tombé sur une pièce, une belle pièce de théâtre, rigole Coraline.

La pluie, un rideau de théâtre… Après tout, ça se pourrait.

 

Texte   Faustina Poletti
Illustration   Annick Vermot
Lecture   Faustina Poletti
Musique de l'histoire   Eric Fournier
Musique du générique   Thierry Epiney
Prise de son et mixage   Alexandre Défayes