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Pour la petite histoire

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On disait qu' c'était...
... un livre de deux pages

8 juin 2018

L’autre jour, quand on est rentrés de l’école avec mon copain Simon, on a trouvé un oiseau blessé sur le bord du trottoir. Ça nous a fait mal au cœur : il s’était abîmé une aile. Simon a voulu l’emmener chez lui pour le soigner, sa maman est spécialiste des oiseaux. Celui-là ne bougeait pas, il avait trop mal. Il tremblait juste un peu, parce qu’il faisait froid. Il ne chantait plus, mais on pouvait lire sa détresse. On a voulu l’aider, mais l’aile restait collée au corps. Alors Simon a essayé avec son index et, très délicatement, il lui a soulevé l’aile pour la replacer comme il faut. Et là, brusquement, l’aile s’est ouverte. Elle était si grande, si belle ! Puis l’oiseau a déplié l’autre aile. On ne voyait presque plus son corps, ses deux ailes ouvertes faisaient un sacré volume. Mais l’oiseau restait immobile, sa tête cachée entre ses ailes grises, larges mais fines, douces au toucher… On aurait dit du papier. Je n’ai pas eu de peine à imaginer. J’ai dit à Simon :

– Cet oiseau, moi, je disais qu’ c’était un livre ! Il était très court, il avait juste deux pages, mais c’étaient les plus belles pages du monde. Ses plumes, c’étaient toutes celles qui avaient servi un jour à écrire dessus, et qui étaient restées accrochées depuis.

Un livre de deux pages

Simon m’a regardé drôlement, mais il a écouté. J’ai continué :

– Et le livre me racontait son histoire, tous ses souvenirs et ses mémoires. Même, en le lisant bien, on pouvait deviner pourquoi il s’était froissé une page. Seulement, je ne connais pas la fin de l’histoire : tu crois qu’on va pouvoir le sauver ?

– Eh bien oui, a répondu Simon. Un livre, ça se répare. Si une page est déchirée, on la recolle !

On l’a pris avec précaution sous nos doigts. Pour le transporter chez Simon, on l’a posé doucement dans mon plumier ouvert. Bien au chaud dans sa couverture, notre livre trouvé n’attendait que d’être emmené et mis en de bonnes mains.

Quelques jours plus tard, la maman de Simon avait fait des miracles. L’aile était guérie. Simon et moi, on a effleuré l’oiseau une dernière fois du bout des doigts et, tout contents, on l’a regardé s’envoler dans la rue. Le vent ne faisait pas trembler ses deux ailes grises, larges et pourtant fines comme du papier : elles restaient grandes ouvertes. En le suivant des yeux, j’avais la tête qui résonnait d’histoires, d’images, de mots… J’étais heureux. Je comprenais, maintenant. Il suffit d’une ou deux images, de quelques mots, d’une histoire pour transformer un objet en un autre. J’aime les histoires. Et depuis, j’aime les livres. Tellement, que je voudrais en offrir à tous les vents. Il faut soigner les ailes des livres, si l’on veut qu’ils puissent voler un jour de par le monde.

L’oiseau, un livre de deux pages… Après tout, ça se pourrait.

 

Texte   Faustina Poletti
Illustration   Annick Vermot
Lecture, bruitages, mélodies   Faustina Poletti
Musique du générique   Thierry Epiney
Prise de son et mixage   Alexandre Défayes