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Pour la petite histoire

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Sous l'oreiller

16 octobre 2016

Damelio avait parfois des frayeurs au moment d’aller se coucher. Bien sûr, il n’aimait pas trop le noir du soir, comme beaucoup d’enfants, mais surtout, il avait peur que les mauvais lutins de la maison lui fassent des farces pendant la nuit. C’est son grand frère Fabeloui qui avait parlé des lutins. Des lutins qui s’amusent à glisser des minimonstres en forme de chaussettes, de train en bois ou de trompettes sous le lit, dans le duvet, dans le dos de doudou.

Hélas, c’était vrai : plus d’une fois, Damelio en avait trouvé. Fabeloui, qui dormait dans le lit juste au-dessus, s’amusait même parfois avec eux pour lui faire peur. Sûrement que les lutins lui jetaient un sort. Bon, les minimonstres ne faisaient rien d’autre que faire peur, en chatouillant les pieds, en faisant du bruit ou en surgissant de nulle part… Mais tout de même, avoir la frousse, c’est bien désagréable, c’est comme une piqûre dans la poitrine et sur le bout des doigts, et Damelio n’aime pas ça. Et puis, si un soir les lutins décidaient de faire plus que l’effrayer ? Damelio préférait ne pas y penser et rester bien caché sous sa couette.

Sous loreiller

Mais hier soir, ce que Damelio craignait tant est arrivé. Les lutins lui ont fait une bien vilaine farce. Au moment où maman a éteint la lumière et fermé la porte, Damelio a voulu se retourner pour embrasser son doudou, mais son doudou avait disparu ! Il était pourtant persuadé de l’avoir mis là, sur l’oreiller, juste à côté de lui. Il a cherché à tâtons dans le lit, tendant les bras et les jambes de tous côtés : il n’a rien trouvé. Les lutins avaient emmené doudou ! Fabeloui ronflait déjà. Damelio s’est senti tout à coup très seul, comme si c’était lui-même qui était perdu. Il devait pourtant retrouver son doudou. C’est vrai, il ne pouvait pas le laisser tomber, le pauvre devait aussi être mort de peur. Encore plus, peut-être, car il était plus petit.

Allons, il n’était pas dans le lit, mais il ne pouvait pas être bien loin. Damelio s’est décidé : il a quitté le moelleux de son oreiller, le chaud de sa couette, et il s’est levé tout doucement. En faisant le tour du lit, il s’est d’abord cogné contre le cadre, on y voyait si mal dans ce noir. Puis il s’est pris les pieds dans un minimonstre… son tracteur, qui avait roulé jusqu’à lui et lui tendait un croche-pied. Damelio l’a repoussé d’un coup sec.

Il faisait sombre, il faisait un peu froid aussi. Damelio s’est rappelé le soir où Fabeloui l’avait sauvé d’un minimonstre du placard : il avait osé ouvrir la porte pour inspecter, et on avait entendu le minimonstre s’enfuir. Alors Damelio, sentant le courage lui venir, s’est préparé à faire ce qu’il redoutait le plus. Heureusement, ses yeux s’habituaient au noir, il commençait à y voir un peu plus clair. S’il rencontrait un mauvais lutin, il lui tordrait le cou, pardi ! Il a pris une grande inspiration. Il a compté jusqu’à trois, à l’intérieur de sa poitrine et sur le bout des doigts, et s’est baissé d’un coup pour regarder sous le lit.

C’était immense, encore plus sombre. Il y avait là un vieux mouchoir, un deuxième vieux mouchoir, et derrière… un autre mouchoir ? Non ! C’était doudou qui s’était mis en boule ! Parce qu’il avait peur, sans doute, le pauvre. Damelio l’a aussitôt pris par la main, l’a embrassé très fort, et s’est remis au lit à la vitesse grand V, tirant la couette jusqu’au cou, pour qu’elle les recouvre bien, doudou et lui.
Enfin, il a retrouvé le chaud du lit, sur sa joue l’oreiller moelleux, et la douceur de doudou. Damelio a serré doudou entre ses bras et l’a rassuré : « C’est rien, c’est fini… »

Mais ce soir… Ce soir, lorsque maman a éteint la lumière et fermé la porte – Fabeloui, bien sûr, ronflait déjà –, Damelio, bien au chaud sous sa couette, a repensé à son aventure d’hier. Il a relevé sa poitrine, regardé dans son lit. Il n’avait plus peur… presque plus peur. Pour vérifier, il a même osé regarder dans un autre endroit secret, qu’il n’avait pas pensé à explorer hier soir : sous son oreiller. Et qu’y a-t-il trouvé ? Autre chose que des minimonstres. Quelque chose de drôlement plus chouette – sans doute une attention des bons lutins de la maison – et demain il le racontera à Fabeloui. Sous son oreiller il a trouvé, bien cachées et bien ficelées, qui le guettaient et l’attendaient, un tas d’histoires pour le soir.

Mais… attention quand même, Damelio ! Il paraît que ça peut aussi faire peur parfois, les histoires.

 

Texte   Faustina Poletti
Illustration   Annick Vermot
Lecture et bruitages   Faustina Poletti
Musique du générique   Thierry Epiney
Prise de son et mixage   Alexandre Défayes