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Pour la petite histoire

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Les éclaireurs

11 avril 2019

L’air de la montagne commence tout juste à se rafraîchir et l’ombre des sommets se pose comme une couverture sur le toit de la conciergerie lorsque Fanzine dit au revoir à ses parents Liline et Lunon, au bout du chemin du barrage. La journée de visite des familles à la Cabane touche à sa fin. Quelle joie pour Fanzine d’avoir vu ses parents et de leur avoir montré tout ce qu’on fait à l’école à la montagne. Son quatrième camp déjà… Elle qui avait si peur d’avoir le syndrome Flambs d’irritabilité larmoyante, aujourd’hui elle est trop contente d’avoir le super-pouvoir qui va avec.

Pourtant, c’est drôle, elle se sent plus calme depuis quelque temps, comme si les symptômes du syndrome étaient moins forts. Cela ne l’empêche pas de produire de l’énergie, bien sûr : à 7 ans et demi, elle ne risque pas d’être débarrassée du syndrome de sitôt, contrairement à son frère Tiloui qui aura bientôt 12 ans. Mais elle fait moins de crises. Ses deux meilleurs amis Caline et Houmaï sont bien plus excités qu’elle, en tout cas. Elle les regarde embrasser leur famille avec beaucoup d’agitation et de sanglots. C’est fou comme Caline ressemble à sa maman et à sa petite sœur, se dit Fanzine. Elles ont les mêmes cheveux blonds, et aussi le même soleil dans la voix. Pour Houmaï, en revanche, il est plus difficile de savoir à qui il ressemble. Le pauvre, il s’accroche à ses parents, comme s’il avait peur de les laisser partir.

Près d’eux, la belle mais grincheuse administratrice Mme Saint-Saëns, alias Croll des montagnes, rend à Aymon sa boussole personnelle – celle que les habitants de la Cabane gardent toujours autour du cou pour ne pas se perdre – qu’elle vient de lui réparer pour la énième fois.

– C’est à se demander comment tu t’y prends pour réussir à la casser à chaque camp, râle-t-elle.

Les éclaireurs 3

Déjà en route, les parents d’Aymon baissent les vitres de la voiture pour lui faire des signes. Aymon se montre indifférent. Il se pavane avec sa boussole toute neuve, puis bouscule la petite Maris et se moque de Houmaï. Il joue de nouveau les durs, Fanzine se demande bien pourquoi. Puis elle sent une main sur son épaule : sa tante Zita et son oncle Padok lui font un bisou, puis un à Tiloui, avant de serrer fort dans leurs bras Bali et Babok, les deux cousins intrépides.

Lorsque les voitures démarrent en direction de la plaine, Fanzine sent sa gorge qui se serre et ses joues qui se mouillent. Puis Croll des montagnes leur ordonne de se mettre en rangs par trois. Fanzine rejoint Caline et Houmaï en guettant Aymon, qui détourne la tête. Un gros nuage avance, voilant encore plus cette douce soirée de printemps. Il est temps de rentrer à la Cabane.

Après le repas, Fanzine, Caline et Houmaï s’installent dans le petit salon en attendant la contée du soir de Mlle Floribert, leur bienveillante ducatrice. Tandis que Caline et Houmaï s’entraînent à fabriquer de l’énergie grâce au super-pouvoir que leur donne le syndrome Flambs IL, Fanzine joue avec sa boussole, la faisant tourner dans un sens, puis dans l’autre. Depuis son dernier camp à la Cabane, elle se sent différente. Ç’a commencé lorsqu’elle a tenu la main d’Aymon, ce jour où tous les enfants ont fait la chaîne sur le flanc de la montagne. Ils ont produit beaucoup d’énergie, et ç’a fait un drôle d’effet à Fanzine. Elle a tout le temps les cheveux électriques, maintenant. En regardant sa boussole, elle pense à Aymon. Elle se demande si la chaîne lui a aussi fait de l’effet. Elle n’a pas réussi à lui parler, depuis. Avant, ils échangeaient un tas d’idées sur l’énergie perdue, cette mystérieuse force dont leur parle si souvent Mlle Floribert. Maintenant, il serre toujours les lèvres quand il la croise. Pourtant, elle a l’impression qu’il l’aime bien.

A côté d’elle, Caline s’agite. Ses joues deviennent jaune orangé, puis elle parvient à allumer la télévision juste à force de concentration. Elle a réussi à créer de l’énergie. Fanzine lui sourit. Elle se demande quelle partie du corps s’allume chez Aymon quand il crée de l’énergie… Elle remarque alors, sous le cercle de la boîte de sa boussole, une petite tige métallique qui dépasse. Pourvu que ce ne soit pas cassé, elle aurait affaire à Croll des montagnes. Elle tire un peu dessus, pour voir. Tout le mécanisme de la boussole se met en mouvement. De petites pièces dentées roulent les unes contre les autres, faisant glisser le couvercle, qui se sépare en deux. Plusieurs parties de la boussole pivotent alors pour se placer dans un ordre différent, jusqu’à former un objet allongé, orné au bout par une petite bille de verre. Fanzine pousse un cri de surprise : sa boussole projette un trait de lumière qui éclaire le mur bleu du petit salon.

Les éclaireurs 1

– Ouah… crie Houmaï en se levant d’un bond, une lampe de poche ! Comment tu as fait ça ?

Mais une voix douce les interrompt. C’est Mlle Floribert qui les appelle pour la contée.

Le lendemain matin en classe, Fanzine a du mal à écouter les explications de M. Racine, leur professeur d’énergie, sur l’électricité statique. Elle a la tête dans les nuages.

– Imaginez de minuscules billes invisibles à l’œil nu, très légères, qui se déplacent à toute vitesse dans la matière : ce sont les électrons. Lorsque ces billes voyagent, elles créent de l’électricité. Parfois, cela ne dure qu’un court instant, sous la forme d’un petit arc lumineux entre deux matières différentes qui se rapprochent. L’une des matières contient trop de billes et l’autre a juste la place qu’il faut pour les accueillir. Le docteur Flambs comparait cela à votre énergie…

Fanzine prend son petit carnet, celui qu’elle remplit des mots qu’elle aime bien. Elle en tourne distraitement les pages. Tous les mots qu’il contient, elle voudrait bien les partager avec Aymon.

– Lors d’orages, le même phénomène d’électricité statique peut se produire entre deux nuages ou entre un nuage et le sol, continue M. Racine. La quantité de billes est simplement beaucoup plus grande, et l’arc lumineux est géant. Cela s’appelle la foudre. Tu es d’accord avec moi, Fanzine ?

Fanzine relève la tête, ne sachant que répondre. Un silence gênant s’installe dans la classe.

– Bien, poursuit M. Racine. Voici votre devoir sur la leçon d’aujourd’hui : avec votre énergie de Flambs IL, vous allez produire un petit arc électrique entre vous et certains objets. Vous essaierez de maîtriser cet arc pour le faire grandir et le faire durer le plus longtemps possible. Pour cela, vous vous mettrez par deux.

A ces mots, Fanzine a un sursaut d’excitation et porte aussitôt son regard sur Aymon. Elle aurait peut-être eu le courage de lui demander de faire équipe avec elle ; elle aurait sans doute rougi, mais tant pis ; elle aurait sûrement été folle de joie… si Aymon ne s’était pas instantanément tourné vers Caline pour lui agripper le bras. Caline fait « d’accord » de la tête. Et le temps s’arrête. Fanzine est comme projetée à des kilomètres de la classe, perdue dans l’espace. Elle se sent toute faible. Voilà peut-être pourquoi elle est si calme ces derniers temps. Elle qui croyait qu’Aymon l’aimait bien…

– Dans chaque groupe, précise encore M. Racine, il y aura un éclaireur – celui qui s’allumera et produira de l’énergie – et un aiguilleur – qui orientera l’éclaireur vers les objets les plus appropriés.

Fanzine ne comprend pas les explications de M. Racine. Elle ne sait plus rien. Elle a des zigzags dans le cœur et des nuages dans la tête. Seule une voix amie parvient à la tirer de ses pensées :

– Tu préfères être éclaireuse ou aiguilleuse ? lui demande Houmaï.

Durant le reste de la matinée, le repas, puis le cours de pratique de l’après-midi, Fanzine ne parle pas. Après la classe, elle se rend avec Houmaï à la bibliothèque de la Cabane pour commencer leur devoir. Lorsque Houmaï lui demande s’il peut être l’aiguilleur, elle accepte. Voyant qu’elle n’est pas dans son assiette, Houmaï cherche à la distraire en sortant sa boussole de sous son pull.

– Eh, regarde, dit-il, moi aussi, je peux la transformer. Je me suis entraîné ce matin…

Il tire sur la tige métallique qui dépasse jusqu’à ce que les différentes parties de la boussole pivotent et la transforment en lampe de poche. Mais Fanzine sourit à peine en voyant la lumière.

– Qu’est-ce qui ne va pas ? demande alors Houmaï désolé de la voir ainsi.

Fanzine baisse les yeux sur le tapis orange de la bibliothèque. Elle hésite un peu.

– Tu ne le diras à personne, hein ? fait-elle.

– Bien sûr que non.

– Eh bien… j’ai un faible pour Aymon.

– Tu blagues ? fait Houmaï avec des yeux ronds. Bon… c’est vrai qu’il était devenu sympa pendant un moment. Mais là, il fait de nouveau l’enquiquineur comme avant, tu ne trouves pas ?

– De toute façon, je crois qu’il préfère Caline, répond Fanzine. Il ne m’aime pas, voilà.

Houmaï reste silencieux. Un étrange reflet, aussi minuscule qu’une bille, passe à toute vitesse dans ses yeux, comme s’il comprenait ce que Fanzine ressentait.

– Tu sais, finit-il par dire, des fois, on croit des choses sur les sentiments des autres mais on se trompe, surtout quand on ne les connaît pas encore très bien. Mes parents m’ont expliqué ça, un jour.

Dans le couloir, ils devinent le pas de Mlle Floribert qui vient sans doute vérifier s’ils s’en sortent avec leurs devoirs. Puis ils entendent une voix la saluer. C’est M. Racine.

– Bonjour, Emilion, répond-elle. Alors, on nous annonce de l’orage pour ces prochains jours ?

Alors que leur ducatrice et leur professeur parlent de la pluie et du beau temps, Fanzine reprend :

– Mais comment savoir pour Aymon ? chuchote-t-elle. Je n’oserai jamais lui poser la question.

– Tu pourrais peut-être demander à Caline si elle sait quelque chose, répond Houmaï.

Voyant M. Racine les surveiller de loin, Fanzine se penche sur la table et souffle à Houmaï :

– On a intérêt à se mettre au travail si on ne veut pas avoir de problèmes avec Emilion…

– C’est vrai, répond Houmaï, mieux vaut filer droit avec lui. Il est carré comme une racine !

Fanzine pouffe de rire. Houmaï est si drôle. On dirait que ça le rend plus fort. Elle est contente qu’il soit son ami, sa présence lui fait du bien. Et elle, quelle est sa force à elle ? se demande-t-elle.

Caline ayant passé toute la journée avec Aymon pour leur devoir, ce n’est que tard le soir que Fanzine la retrouve enfin. Seules dans le noir dans leur chambre, elles parlent de l’énergie perdue, qu’il faudra bien retrouver un jour pour pouvoir aider le monde. Puis Fanzine demande à Caline :

– Tu es éclaireuse ou aiguilleuse, pour le devoir de M. Racine ?

– Aiguilleuse, fait Caline. Et toi ?

– Eclaireuse, répond Fanzine.

Puis elle prend son courage à deux mains et lui confie ce qu’elle a déjà dit à Houmaï sur Aymon.

– Je sais, c’est fou… ajoute-t-elle tout bas. Est-ce que tu crois qu’Aymon m’aime bien ou pas ?

Caline ne répond pas. Fanzine l’entend se tourner dans son lit, d’un mouvement brusque qui pèse lourd sur son cœur, encore plus lourd que les mots qu’elle prononce enfin :

– Ecoute, murmure Caline, il faut qu’on dorme, maintenant. Bonne nuit…

Fanzine tire sa couette jusqu’à son cou et ne dit plus rien. Elle sait que si elle parle, il y aura des larmes dans sa voix. Caline, si belle avec ses longs cheveux blonds, si douce avec sa voix claire comme le soleil, pense-t-elle, Caline en pince aussi pour Aymon. Fanzine s’endort toute triste, sans savoir ce qui la chagrine le plus : qu’Aymon ne l’aime pas, ou que Caline l’abandonne.

Les jours suivants, Fanzine et Caline ne se parlent pas beaucoup. Caline ne semble pas vouloir révéler son secret. Fanzine travaille tous les après-midi avec Houmaï pour le devoir de M. Racine. Elle essaie de produire de l’électricité sur les objets que lui propose Houmaï, qui fait un excellent aiguilleur. Le reste du temps, elle le passe avec son frère Tiloui et ses cousins Bali et Babok, parfois avec Maris. Caline lui manque. Mais elle n’arrive pas à lui parler. Elle relit les mots de son carnet pour se sentir mieux. Un soir en fin de semaine, cependant, Caline la rejoint après le repas.

– J’ai du nouveau sur l’énergie perdue, lui chuchote-t-elle.

– Ah oui ? fait Fanzine qui, malgré son chagrin, a du mal à cacher son intérêt.

– Il paraît qu’il y a un indice très important caché à la conciergerie, continue Caline.

– Vraiment ? s’étonne Fanzine. Mais… c’est Mlle Floribert qui te l’a dit ?

– On a prévu de partir en exploration après la contée, tu veux venir ? fait Caline encore plus bas.

– Bien sûr ! répond Fanzine qui se sent de nouveau tout excitée.

– Alors c’est entendu, on se retrouve dans une heure au départ du chemin du barrage.

Une petite heure plus tard, Fanzine pousse la grande porte voûtée de la Cabane et part en douce en direction du lac. Caline attend déjà sur le chemin. Houmaï ne tarde pas à arriver, puis… Aymon. D’abord surprise, puis troublée, Fanzine essaie de ne rien montrer. Sans un mot, ils se mettent tous en route. Il fait presque nuit, ils y voient de moins en moins. Fanzine et Houmaï y pensent en même temps : ils prennent leur boussole et la transforment en lampe de poche.

– Oh, zut, s’exclame Caline, j’ai oublié la mienne ! Il faut que je retourne la chercher. Houmaï, tu m’accompagnes avec ta lampe ? J’ai peur de me perdre dans le noir.

Comme Houmaï n’a pas l’air de bien comprendre, Caline lui donne un coup de coude.

– Euh oui, volontiers, dit Houmaï avec une grimace. Quand c’est demandé gentiment…

– Super, on se dépêche, dit Caline à Fanzine et Aymon. Partez déjà en reconnaissance !

Fanzine et Aymon se regardent du coin de l’œil, gênés. Rapidement, Aymon tourne la tête.

– Tu veux que je te montre comment transformer ta boussole ? essaie timidement Fanzine.

– Non, répond sèchement Aymon, je vais encore me faire disputer par Mme Saint-Saëns.

Fanzine, vexée, est de moins en moins calme, tout à coup. Il y a des zigzags dans ses yeux. Elle est en colère contre Caline, elle se sent trahie. Aymon aussi doit être fâché, il serre les lèvres.

– Oh, mais pourquoi ils nous laissent tomber ? s’exclame Fanzine soudain hors d’elle.

– Mais je n’en sais rien, moi ! crie Aymon en regardant ailleurs. Qu’est-ce que j’y peux ?

Ils se disputent. Fanzine fulmine. Elle voudrait fuir Aymon et son sale caractère, mais en même temps quelque chose l’attire vers lui. Elle tremble de fureur jusqu’à la pointe de ses cheveux. Aymon aussi semble prêt à exploser : il se met à vibrer. Il la regarde et desserre enfin les lèvres.

– Il y a une tempête dans tes cheveux, dit-il tout bas.

Fanzine devient muette. Elle est éblouie… La bouche d’Aymon s’illumine. C’est donc par sa bouche que sort le syndrome ! Comment n’avait-elle jamais remarqué ? Tous les deux se sentent soudain remplis d’une immense énergie, une drôle d’énergie. Sans s’en rendre compte, ils se rapprochent l’un de l’autre, et les cheveux de Fanzine frôlent la bouche d’Aymon. Alors, exactement en même temps, la bouche d’Aymon et les cheveux de Fanzine deviennent jaune orangé. Ils s’allument. Puis ils sursautent. Fanzine vient de ressentir une petite décharge dans sa poitrine… et elle est prête à parier sa boussole qu’Aymon aussi. Au même instant juste au-dessus d’eux, semblable à une infinité de petites billes argentées voyageant à toute vitesse, une lumière très intense et très courte fait des allers et retours dans le ciel. Fanzine et Aymon, aveuglés, entendent alors un bruit de tonnerre. Ils se regardent émerveillés. Ils ont produit des éclairs.

Les éclaireurs 2

Puis le ciel se calme un peu, et il pleut. Fanzine a le cœur qui bat très vite et les pensées qui tournent comme des toupies dans sa tête. Elle voudrait dire ses sentiments à Aymon avec des mots, mais elle n’ose pas. Elle sent que si elle parle, il y aura des frissons dans sa voix. Aymon s’approche d’elle. Elle écoute sa respiration et regarde sa bouche encore toute brillante dans le noir. Elle le laisse faire quand il lui prend doucement le bras. Puis, elle a de la pluie plein les yeux et des frissons partout. Aymon vient de déposer sur sa main un bisou.

Sur le chemin du retour, la nuit tombe sur eux comme une caresse. Ils ne disent rien, mais ils se sentent infiniment bien. Avec leur énergie de Flambs IL, ils ont éclairé le ciel !

 

Les derniers jours avant la fin du camp passent à toute vitesse. Le matin du départ, Fanzine se prépare. Elle n’aurait jamais cru qu’un jour elle serait si triste de rejoindre la conciergerie pour aller accueillir tous les parents. C’est que la Cabane va lui manquer jusqu’à la prochaine fois : Aymon, bien sûr, mais aussi Houmaï, et puis… Caline. Quand Caline lui a demandé si elle lui pardonnait sa ruse de l’indice sur l’énergie perdue, Fanzine l’a embrassée fort sur les deux joues. Aymon avait choisi de se confier à la meilleure amie de Fanzine en lui demandant de garder le secret, et Caline ne l’avait pas trahi. Caline est incapable de trahir.

La veille, les quatre amis ont reçu les félicitations de M. Racine pour leur excellent devoir sur l’électricité statique. Voilà une chose qu’ils seront tous contents de raconter à leurs parents.

En attendant leur arrivée, Fanzine emmène Aymon un peu à l’écart de la conciergerie, assez loin de Croll des montagnes pour ne pas avoir d’ennuis, et elle lui montre comment faire pour transformer sa boussole en lampe de poche. Aymon ouvre de grands yeux.

– Tu es trop forte ! fait-il en souriant. Tu sais, tu es une sacrée Flambs IL…

– Et toi, un fameux flambe-ciel, répond-elle heureuse de partager enfin ces mots-là avec lui.

 

Dans sa chambre de la rue Clochère, Fanzine s’amuse à faire tourner sa boussole comme une toupie sur sa table de chevet. Elle repense à ce soir d’orage. Au fond, elle ne s’était pas trompée sur Aymon. Elle aurait dû plus faire confiance à sa petite boussole intérieure, se dit-elle, sa force à elle. Puis elle attrape son carnet pour y écrire simplement un prénom, le plus beau des prénoms.

Cette nuit-là, elle fait un drôle de rêve. Les horloges de la rue faisaient chanter leurs aiguilles, puis se confondaient avec les boussoles des enfants de la Cabane. Celle de Fanzine se transformait en lampe de poche pour lui montrer un chemin, qui menait à une forêt baignée de soleil malgré des arbres hauts. Alors, le temps d’un éclair, Fanzine l’a vue… une grosse bille brillante entre les racines, dont la lumière semblait à la fois pâle et chaude, extrêmement fragile et infiniment puissante, et précisément grâce à cela capable d’aider le monde à bien tourner : l’énergie perdue.

 

Texte   Faustina Poletti
Illustrations   Annick Vermot
Lecture, bruitages, mélodies   Faustina Poletti
Musique du générique   Thierry Epiney
Prise de son et mixage   Alexandre Défayes