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Pour la petite histoire

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La terre aux trésors

16 mai 2019

Il y a des branches partout sur le sentier, il faut faire attention où on met les pieds. C’est difficile de courir dans la forêt, mais il faut se dépêcher de rejoindre la Cabane pour demander de l’aide. Fanzine et Caline avancent à toute allure entre les arbres, essoufflées et agitées par l’inquiétude.

Fanzine compte les branches qui craquent sous ses pas. Dans sa tête, les images courent aussi vite que ses jambes. Elle se revoit la veille, heureuse de revenir dans ces montagnes pour son dernier camp de l’année à l’école spécialisée pour enfants flambe-ciel, la Cabane. Elle repense à sa joie de retrouver ses deux meilleurs amis Caline et Houmaï, et puis son amoureux Aymon. Elle se rappelle la surprise et l’excitation de tous les enfants quand ils ont vu leur vieil ami papi Sylvon, docteur de son état et frère de leur professeur d’énergie, venu leur rendre visite ! Elle essaie de retrouver la confiance qu’elle a éprouvée en embrassant la vieille Mlle Floribert, leur ducatrice qui aime leur raconter de vraies histoires. C’est Mlle Floribert qui a imaginé cette course au trésor dans la forêt : une idée un peu folle, qu’elle a eue en discutant avec papi Sylvon, pour leur apprendre à s’orienter sur le territoire de l’école.

Fanzine suit Caline sur le sentier tortueux filant entre les sapins. Elles doivent faire vite, Houmaï a besoin d’aide. C’est ennuyeux de devoir renoncer au trésor, ne peut-elle s’empêcher de penser, d’autant plus qu’ils font une belle équipe, Caline, Houmaï, Aymon et elle. Mais quel que soit le trésor, il ne vaut pas la peine de laisser un ami avoir mal : on ne peut pas abandonner Houmaï.

Le matin même, la directrice de l’école Mme Lumière leur a donné des instructions strictes pour que la course au trésor se passe bien. Par équipes de quatre, ils allaient s’enfoncer dans la forêt avec pour mission de « trouver le trésor caché dans la terre » : ils devaient respecter la nature, bien rester sur les sentiers et, en cas de pépin, ne jamais agir seul, toujours être au moins deux. Chaque équipe a reçu une carte dessinée par papi Sylvon représentant la forêt derrière le vieil arbre autour duquel est construite la Cabane, et indiquant l’emplacement du trésor. Les enfants étaient surexcités, à cause de leur syndrome flambe-ciel bien sûr, qui leur donne une énergie hors du commun, mais aussi parce qu’ils avaient hâte de commencer. Tiloui, le grand frère de Fanzine, vérifiait déjà la direction du vent, leur cousin Babok, sa loupe à la main, cherchait les indices, et Fanzine avait son petit carnet de mots. Tous les enfants portaient autour du cou leur boussole, dont Mlle Floribert leur avait expliqué le fonctionnement durant leur premier camp à la Cabane.

Mais Mlle Floribert était absente lors du départ de la course. Où pouvait-elle bien être ? se demande Fanzine, à bout de souffle à force de courir. Pourvu qu’elle soit de retour. Elle, elle saura s’occuper de la blessure de Houmaï. Elle a l’habitude avec Bali, l’autre cousin de Fanzine, sans doute le plus casse-cou de tous les enfants flambe-ciel, ce qui n’est pas peu dire. Pauvre Houmaï, pense Fanzine en traversant le ruisseau, il a crié si fort quand il a trébuché sur l’énorme racine du mélèze. Il faut dire que son pied s’est retrouvé coincé. Aymon a proposé de rester avec lui pour l’aider à se dégager pendant que Fanzine et Caline iraient chercher de l’aide auprès des adultes. Lorsqu’elles les ont quittés, Fanzine entendait Houmaï gémir et appeler ses parents.

Soudain, devant elle, Caline s’arrête net : le sentier se divise en deux. Hélas, elles ne se rappellent plus par quel côté ils sont arrivés. Et bien sûr, elles n’ont pas pensé à emporter la carte en quittant les garçons. Elles regardent leurs boussoles, mais les aiguilles s’affolent, sans trouver de direction.

– On a trop couru, dit Caline en haletant, même nos boussoles sont perdues.

– On ferait bien de se séparer, pour qu’au moins l’une de nous arrive à la Cabane, fait Fanzine.

Caline, nerveuse, finit par acquiescer, malgré les instructions de Mme Lumière. Elle choisit le sentier de droite, Fanzine se rabat sur celui de gauche. Elles se souhaitent bonne chance.

La terre aux trésors 1

Désormais seule, Fanzine, fatiguée, ralentit un peu sa course. Elle observe les lieux mais ne reconnaît rien. Elle ne doit pas être sur le bon chemin. L’endroit lui plaît, cependant. A ses pieds, de petites taches de lumière comme des gouttes d’eau s’amusent à glisser sur le tapis de mousse vert de la forêt. Elle devine le vent qui se faufile entre les branches des arbres et les agite. Loin au-dessus de sa tête, les sapins semblent piquer le ciel avec leurs aiguilles tant ils sont hauts. Tout est silencieux. Sans s’en rendre compte, Fanzine s’est arrêtée de courir, fascinée par la nature qui l’entoure. Papi Sylvon leur a raconté un jour que les arbres étaient vivants. La veille encore, il leur a expliqué qu’une forêt recèle une forme d’énergie très forte, « un peu comme les enfants atteints du syndrome Flambs IL », a-t-il dit. Les arbres ont-ils comme elle et ses camarades de la Cabane un super-pouvoir qui leur permet de fabriquer de l’énergie ? se demande Fanzine. Papi Sylvon ne l’a pas dit. Ils ont sûrement le pouvoir de redonner des forces, en tout cas, car Fanzine n’est déjà plus du tout fatiguée. Elle se sent incroyablement bien. La forêt doit avoir ses secrets…

Des secrets, il y en a d’autres par ici qu’elle aimerait bien connaître, songe Fanzine. Celui de l’énergie perdue, par exemple, la fameuse énergie qui peut sauver le monde ; ou encore le secret de Mlle Floribert, qui est différente des autres adultes. Houmaï aussi a un secret, bien caché derrière ses mots qui font rire et ses yeux pétillants, mais qu’une petite ombre sur son visage trahit quelquefois. Fanzine croit avoir compris, la dernière fois qu’elle l’a vu avec ses parents.

Elle est tout à ses pensées quand un léger bruit la fait sursauter – sans doute un écureuil sauvage… Ou bien la forêt aurait-elle un secret à lui murmurer ? Non loin d’elle, au pied d’un arbre plus haut que les autres, une tache de lumière particulièrement vive l’éblouit. Lorsqu’elle s’approche, elle découvre par terre une forme ronde en verre, reflétant le soleil. Elle sourit. Elle la reconnaît. Son cousin a dû passer par là et la perdre en courant. Encore heureux qu’il ne se soit pas pris les pieds dans les racines, lui. Elle ramasse la loupe de Babok et rebrousse chemin. Elle en est sûre, elle n’est pas sur le bon sentier. Pourvu que Caline ne se perde pas, se dit-elle.

Quelques instants plus tard, Fanzine retrouve Houmaï et Aymon, assis à côté du vieux mélèze dont les racines retiennent encore Houmaï prisonnier. Fanzine leur montre sa trouvaille.

– Ouah ! fait Houmaï oubliant un instant sa douleur. Ton cousin doit être fâché de l’avoir perdue.

– Ça oui, le connaissant, j’imagine qu’il aura fait une drôle de crise, sourit malicieusement Aymon, qui n’est pas le meilleur ami de Babok.

Fanzine lui lance un regard plein d’aiguilles de sapin qui piquent. Aymon cesse aussitôt de sourire.

– Bon, eh bien, en attendant de pouvoir la lui rendre, finit-il par dire, si on l’utilisait ?

Il déplie la carte de papi Sylvon, et Fanzine approche la loupe. Elle la déplace sur le trait noir représentant le sentier qu’ils ont emprunté depuis la Cabane, jusqu’à un embranchement – celui où Caline et elle se sont quittées. Elle suit alors le trait qui enjambe puis longe les méandres d’une fine ligne bleue, le ruisseau. Un peu plus loin, en dehors du sentier, la loupe fait voir un groupe d’arbres qui doit correspondre à l’endroit où ils sont. Aymon pose son pouce dessus, puis son petit doigt un peu plus haut, sur la grosse croix qui indique l’emplacement du trésor.

– On a à peine fait la moitié du parcours, dit-il. On n’est pas près d’y arriver.

– Je n’aurais pas dû sortir du sentier, dit Houmaï, c’est de ma faute.

– Mais non, lui dit Fanzine, on voulait tous prendre un raccourci. D’ailleurs, regarde, il y a un autre sentier qui commence juste derrière ces arbres… C’est qu’il n’y avait pas de risque.

– A part celui de se prendre les pieds dans une racine, fait Houmaï avec une grimace. 

– Qu’est-ce que c’est, le trésor, à votre avis ? demande Fanzine.

– Peut-être un objet magique comme la boussole… Ou bien une boîte de biscuits ! dit Aymon. En tout cas, il faudra creuser s’il est caché dans la terre. Je me demande comment on va s’y prendre.

La terre aux trésors 2

– Eh, regardez ! dit Fanzine en approchant son œil de la loupe. Il y a une autre croix plus petite à côté de ton pouce, Aymon, au milieu des arbres… juste là où on se trouve !

– Hein ? fait Aymon. Mais elle n’y était pas, avant…

– Mais si. Elle est trop petite pour qu’on puisse la voir sans la loupe, c’est tout. Tiens, il y en a aussi une là où j’étais tout à l’heure… et d’autres encore ailleurs, dit Fanzine en les comptant.

– Il y aurait plusieurs trésors ? s’étonne Houmaï.

– Chaque équipe en a peut-être un différent, suggère Aymon. S’il y en a un ici, on devrait le chercher, au moins on ramènerait quelque chose.

– Oui, mais… ça m’étonnerait qu’on ait le droit de prendre le trésor des autres, soupire Fanzine.

Houmaï, tout en essayant de dégager son pied de la racine, jette un œil sur la carte.

– C’est marrant, fait-il, papi Sylvon a dessiné un groupe d’arbres autour de chacune de ces croix.

– Tiens, c’est vrai, dit Aymon. Et il a fait à chaque fois l’arbre du centre plus grand que les autres.

– C’est sûrement l’arbre le plus vieux, remarque Houmaï, celui qui prend soin des jeunes. On a entendu papi Sylvon en parler avec Mlle Floribert, hier.

– Oui, crie Fanzine en sortant son petit carnet de sa poche. Je l’ai noté : c’est un arbre « ancêtre ».

– Ah ? fait Aymon en regardant. C’est comme une famille, alors – avec chacune son coin de terre.

Houmaï ne dit plus rien. Il détourne la tête.

– En plus, vu qu’ils ne bougent pas, c’est bien, ils vont toujours rester ensemble, continue Aymon. Vous croyez que c’est comme les humains, qu’il y a un air de famille entre ces arbres ?

– Je ne sais pas… dit Fanzine en regardant Houmaï dont les yeux pétillent de moins en moins.

– Ils sont un tas de frères et sœurs. Il faut espérer qu’ils se bagarrent moins que Lauris et moi.

Houmaï écoute Aymon. Puis il murmure tristement :

– Moi, je ne sais même pas si j’en ai, des frères et sœurs.

Aymon le regarde sans comprendre.

– Comment ça ? s’étonne-t-il. Je croyais que tu étais fils unique…

– Oui, mais… en fait, j’ai été adopté.

Fanzine a le cœur qui se serre. Elle avait bien pensé. Elle ne s’était pas trompée.

Les trois enfants se regardent en silence. Puis Houmaï baisse les yeux. D’un coup, un ruisseau de chagrin se met à couler sur son visage. Fanzine s’approche de lui et pose sa main sur son épaule. Mais elle est moins douée que Caline pour consoler. Houmaï croise les bras.

– Je pleure parce que j’ai mal à mon pied ! Maudites racines… s’énerve-t-il.

Une grosse colère est en train de monter en lui, Fanzine et Aymon le voient bien. Ça doit lui chauffer les oreilles, parce qu’elles deviennent un peu roses.

– Et si tu essayais de t’allumer pour faire de l’énergie ? dit Aymon. Moi, ça m’aide, quand j’ai mal. Et puis tu as besoin de laisser sortir ton trop-plein de colère, comme dirait Mme Lumière…

– JE NE SUIS PAS EN COLÈRE ! hurle Houmaï.

Après un mouvement de recul, Aymon se tourne vers Fanzine avec des yeux surpris.

– Ah… au temps pour moi, alors, dit-il en se frottant l’oreille comme s’il était devenu sourd.

Houmaï est mal à l’aise. Il marmonne des excuses, puis essaie une nouvelle fois de dégager son pied de la racine, sans succès. Alors il suit le conseil d’Aymon. Il ferme les yeux et se concentre. Il fait un effort immense, tente de canaliser sa colère pour créer de l’énergie. Mais il a très mal, et ses émotions se bousculent. Il n’arrive pas à s’allumer. Il rouvre les yeux et renifle un peu.

– D’abord, dit-il d’une toute petite voix, mes parents de sang, j’ai cru qu’ils ne m’aimaient pas, ou ils m’auraient gardé avec eux. Mais mes parents d’ici disent que c’est plus compliqué que ça, que sûrement si, ils m’aiment. Quand même, c’est dur. Je ne sais même pas qui je suis.

Tout en parlant et en pleurant, Houmaï trace des croix imaginaires sur la carte au trésor.

– J’aimerais bien les connaître, mes parents de sang, savoir ce qu’ils font, où ils habitent, tout ça… et puis voir si je leur ressemble, aussi. Un jour, je voyagerai jusqu’à la terre d’où je viens, et je les retrouverai. Comme ça, je saurai qui je suis !

Soudain, comme s’il avait entendu un bruit, Houmaï se redresse. Il tend la carte au trésor à Fanzine et lève la tête vers le vieux mélèze qui lui a tendu un piège si douloureux. Il semble attiré vers lui. Il se penche lentement sur le tronc, y pose délicatement sa joue, puis met ses bras autour. Fanzine et Aymon le regardent sans rien dire. Il s’est arrêté de pleurer.

– C’est drôle, dit-il l’oreille collée contre l’écorce, j’ai l’impression d’entendre des sons qui viennent de l’arbre, depuis très profond.

Aymon, perplexe, chuchote à Fanzine :

– Il perd un peu la boule, non ?

– C’est bon, réplique Houmaï en se retournant, je suis blessé, pas timbré. Et pas sourd, non plus.

– Oh, tu sais, fait Aymon, timbrés, on l’est tous un peu, ici, avec notre syndrome.

– Chut, dit Houmaï en se collant de nouveau contre l’arbre, j’aimerais écouter encore.

Il ne bouge plus. Fanzine et Aymon attendent un long moment. Puis ils voient apparaître une lumière très douce sur le tronc du mélèze, qui grandit peu à peu autour de la tête de Houmaï. A mesure que la lumière devient plus intense, Houmaï semble avoir plus chaud. Le halo sur le mélèze les éblouit de plus en plus. Houmaï prend une grande inspiration. C’est à peine visible, mais son corps commence à vibrer. Il ouvre les bras encore plus grands tout autour du tronc. Alors, la lumière sur l’écorce diminue, et à mesure qu’elle diminue, les oreilles de Houmaï se colorent. Elles sont d’abord rouge pâle, et bientôt, jaune orangé : la couleur de l’énergie.

La terre aux trésors 3

Puis tout redevient normal. Contre toute attente, Houmaï est incroyablement détendu et, presque naturellement, il parvient à dégager son pied de la racine sans aucun mal. Il n’en revient pas :

– Ouah, c’est comme si l’arbre m’avait allumé. J’ai pu prendre son énergie et la faire sortir de moi.

– C’est fou, dit Fanzine émerveillée, les professeurs ne nous ont jamais parlé de ça. Ça veut dire que les flambe-ciel peuvent aussi transmettre l’énergie, et pas seulement la créer…

– Peut-être pas tous les flambe-ciel, fait remarquer Aymon, peut-être que Houmaï a un don. Sinon, M. Racine nous aurait fait un cours d’énergie là-dessus, vous ne croyez pas ?

Houmaï les regarde en souriant, les yeux de nouveau tout pétillants :

– Et si ça me venait de mes parents de sang ? Il paraît que le syndrome est souvent héréditaire. L’un d’eux l’avait peut-être quand il était enfant ! L’un d’eux avait peut-être un super-don !

 

De retour à la Cabane un peu plus tard, Fanzine et Aymon racontent pour la énième fois à Caline, ébahie, ce qui s’est passé entre Houmaï et le mélèze dans la forêt. Ils ont beau demander des explications sur ce phénomène à Mme Lumière, à M. Racine leur professeur d’énergie et à son frère papi Sylvon, leurs réponses ne les éclairent pas vraiment. Mlle Floribert pourrait sans doute leur en dire plus, mais elle est toujours absente. Assise dans un fauteuil du petit salon, Fanzine tente de se calmer en caressant son écureuil de compagnie. Elle est très agitée. Ses jambes remuent aussi vite que les images dans sa tête. Elle revoit l’arrivée de Mme Lumière sur son vélo tout-terrain devant le vieux mélèze, suivie par Caline et papi Sylvon à pied. Grâce à la lumière émise par Houmaï, ils les ont trouvés facilement. Après avoir examiné son pied, Mme Lumière a emmené Houmaï à vélo à la Cabane. De même, après avoir examiné les racines du mélèze, papi Sylvon a tranquillement fait le chemin du retour en marchant avec Caline, Fanzine et Aymon.

La cheville de Houmaï est encore enflée, mais grâce aux soins experts de papi Sylvon qui est docteur, il devrait bientôt pouvoir marcher normalement. Fanzine compte à voix basse : une à une, les autres équipes de la course au trésor arrivent à la Cabane. Cependant, lorsque M. Racine s’enquiert du trésor, Tiloui, Bali, Lauris, tous font la même réponse : ils ne l’ont pas trouvé.

– On a retourné la terre sur 20 m2, pour rien, dit Babok à M. Racine. En plus, j’ai perdu ma loupe.

Fanzine pousse un petit cri. Elle se lève aussitôt de son fauteuil et court vers son cousin.

– Tiens, j’ai failli oublier : je l’ai retrouvée, dit-elle en sortant brusquement la loupe de sa poche. 

En même temps, elle fait tomber par terre son petit carnet, qui s’ouvre au hasard sur une page où sont écrits deux mots qu’elle relit souvent : « énergie perdue ». Elle soupire.

– On peut faire une croix sur l’énergie perdue, maintenant, si Mlle Floribert nous abandonne…

– Franchement, dit Aymon, je commence à me demander si elle existe vraiment.

– Si, rappelle-toi, c’est une très vieille dame, ducatrice de son état, qui nous conduit sur les chemins de la Cabane et nous aide à bien nous y conduire nous-mêmes… fait Houmaï espiègle.

– Très drôle, bouffon ! répond Aymon visiblement irrité. Et l’humour, c’est héréditaire, aussi ?

– Ah non, sourit Houmaï visiblement content. Ça, je crois que ça me vient de mon père adoptif !

– Je parlais de l’énergie perdue, précise Aymon. Sans rire, vous croyez que cette histoire est vraie, à la fin ? Parce que moi, j’ai l’impression que Mlle Floribert est un peu timbrée.

– Pourtant, à son âge, elle ne peut pas avoir le syndrome Flambs IL, remarque Houmaï.

C’est évident, songe Fanzine, puisque le syndrome flambe-ciel est une maladie d’enfant. Pourtant, Mlle Floribert n’est pas comme les autres adultes. C’est peut-être pour ça, d’ailleurs, que Fanzine accepte de lui demander de l’aide. D’ordinaire, Fanzine déteste demander de l’aide aux adultes.

– Quand on dit que l’énergie perdue peut aider le monde, qu’est-ce que ça veut dire, à votre avis ? fait-elle.

– Je ne sais pas, dit Caline. Qu’elle peut prendre soin de lui, peut-être.

Dans la tête de Fanzine, les paroles de Caline se mélangent avec les dessins de la carte au trésor, puis avec ce qu’ils ont découvert au sujet des arbres. Elle se tourne vers papi Sylvon :

– Comment un arbre ancêtre fait-il pour prendre soin des autres arbres de la forêt ?

– Comment ? fait papi Sylvon étonné. Eh bien, grâce aux racines !

Derrière les croisillons de la fenêtre de la Cabane, Fanzine, très, très excitée, ouvre grands les yeux, comme les sapins ouvrent leurs branches sous l’effet du vent : vers le ciel. Quel est donc ce « trésor caché dans la terre » que leur a confié Mlle Floribert ? Peut-être les racines, qui permettent aux arbres de prendre soin les uns des autres… Ou bien l’énergie vibrant au plus profond de ces arbres, que des flambe-ciel seraient capables de transmettre ! Elle retient son souffle. A y regarder de près, un tel trésor pourrait bien aider à sauver le monde.

 

Texte   Faustina Poletti
Illustrations   Annick Vermot
Lecture, bruitages, mélodies   Faustina Poletti
Musique du générique   Thierry Epiney
Prise de son et mixage   Alexandre Défayes